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Plantes carnivores : des curiosités fascinantes à cultiver à la maison comme au jardin

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Ces plantes insolites ont le don de fasciner même les plus réfractaires au jardinage. Leurs feuilles étranges ceinturées de poils glanduleux rouges, parfois transformées en pièges à loup ou en urnes colorées, en font des sujets dignes d’un véritable cabinet de curiosités. Leur étrangeté ne tient pas seulement à leur apparence, mais aussi à leur mode de vie très particulier, étroitement lié à des milieux réputés hostiles pour la majorité des autres plantes.

1- Un mode de vie peu commun

Qu’est-ce qu’une « plante carnivore » ?

Les plantes carnivores sont parvenues à coloniser des milieux très pauvres grâce à leur faculté à digérer des proies animales en complément de leur fonction chlorophyllienne. Contrairement aux champignons, elles font bel et bien partie du monde végétal : elles possèdent de la chlorophylle, fabriquent leurs sucres par photosynthèse et réclament donc lumière et soleil pour vivre. On les qualifie de « carnivores » lorsqu’elles sont capables :

 

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Drosera binata dotée de poils gluants pour capturer et digérer ses proies

 

  • d’attirer des proies, généralement des insectes, mais aussi parfois des mollusques ou de petits batraciens,
  • de les capturer grâce à un système de piégeage plus ou moins sophistiqué,
  • et surtout de les digérer, pour en tirer des nutriments minéraux !

À l’inverse, certaines plantes piègent par accident des insectes, comme l’arum, mais ne possèdent pas les enzymes nécessaires à leur digestion et ne sont donc pas considérées comme de véritables carnivores.

Pour s’adapter à leur environnement, ces plantes ont développé des systèmes très variés de piégeage : feuilles hérissées de poils englués, pièges en forme de mâchoire se refermant sur la proie, urnes remplies de liquide digestif, feuilles en toboggan menant à une cavité. Une fois la proie piégée, la digestion est assurée soit par des enzymes produites par la plante (cas des dicotylédones), soit par des bactéries vivant dans le liquide des urnes.

 

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Le népenthès a besoin d’une ambiance très humide comme une salle de bain

Les plantes carnivores appartiennent à diverses familles botaniques (Droséracées, Nepenthacées, Broméliacées…). Elles ont évolué indépendamment vers une même stratégie : compléter leur alimentation en capturant des proies pour survivre dans des milieux très pauvres, tout comme les plantes grasses ont développé des réserves d’eau pour vivre en milieu sec.

Leur habitat :

  • Dans la nature, les plantes carnivores poussent dans des milieux très particuliers : elles colonisent les eaux acides de lacs, de mares ou de fossés, les sols sableux lessivés, les tourbières détrempées ou des zones marécageuses où la matière organique se décompose mal. Quelques espèces, comme le Nepenthes, vivent même en épiphytes, accrochées dans les branches des arbres, où elles récupèrent l’eau de pluie et les insectes de passage.
  • La confrontation avec un milieu riche ou avec des plantes classiques leur est souvent fatale : de fortes teneurs en sels minéraux ou en engrais brûlent leurs racines et perturbent leur équilibre. Il est donc impératif de ne pas les nourrir d’engrais classiques. Le Nepenthes fait figure d’exception et peut recevoir, avec prudence, de très microdoses d’engrais spécial orchidées diluées, car ses urnes absorbent une partie des nutriments.

2- La culture en 4 points

Bien qu’elles semblent délicates, les plantes carnivores peuvent se cultiver facilement à condition de respecter quelques règles simples. Tout repose sur le choix du substrat, de la lumière, de la température et de l’eau d’arrosage.

1 – Un rempotage salvateur :

  • À l’achat d’une plante carnivore, il est fortement conseillé de la rempoter dans un grand pot d’au moins 40 cm de haut et de large. Si le sujet est petit, n’hésitez pas à assembler plusieurs plantes carnivores dans le même contenant afin que leurs racines puissent exploiter un grand volume de terre. La grassette (Pinguicola) fait exception et peut se contenter d’un petit pot.
  • Les espèces rustiques (dionée, Sarracenia, Pinguicola…) peuvent rester l’hiver au jardin dans des pots de très grands volumes (100 l). Dans ce cas, les variations d’humidité et de température sont moins brutales que dans un petit conteneur. Préférez un pot en plastique plutôt qu’en terre cuite pour limiter le dessèchement et l’accumulation de sels minéraux sur les parois, toxiques à terme.
  • Le substrat le plus utilisé est la tourbe blonde pure issue de la sphaigne, éventuellement mélangée à du sable (sable d’aquariophilie, des landes ou « de Loire »). Ce mélange recrée un sol léger, acide et très pauvre en minéraux, idéal pour ces plantes.

2 – La lumière :

Choisissez un endroit très lumineux que ce soit dans la maison ou au jardin. Dans la nature, ces plantes vivent en milieu découvert, sur des zones sans concurrence d’autres végétaux, hormis la grassette qui peuple plutôt des secteurs légèrement ombragés. Leur capacité à digérer des insectes ne les dispense pas de réaliser la photosynthèse, bien au contraire.

  • Dans la maison, exposez-les au sud ou sud-ouest en hiver, lorsque la lumière est plus faible, puis à l’est ou à l’ouest en été pour éviter les brûlures. Placez-les autant que possible à moins de 20 cm de la vitre pour optimiser la luminosité. Les espèces de Nepenthes dites « de culture facile » acceptent bien une salle de bain très lumineuse, où l’humidité de l’air est naturellement élevée.
  • Dans le jardin, optez pour un emplacement à découvert. Les coloris du feuillage, des urnes ou des pièges sont d’autant plus contrastés que la lumière est intense. Une mi-ombre légère peut toutefois convenir dans les régions les plus chaudes.

3 – La température :

Bon nombre de plantes carnivores sont issues de climats tempérés froids et acceptent de vivre dehors une grande partie de l’année, voire toute l’année pour les plus rustiques. C’est le cas de la Drosera et de la grassette (Pinguicula) de l’hémisphère nord, de la dionée (Dionaea), de tous les Sarracenia ou encore du Darlingtonia.

 

Sarracenia petite rouge
Sarracenia purpurea postée en bord de bassin

 

Pour ces espèces, il est indispensable de respecter une période de froid durant les 3 mois d’hiver. Elles peuvent supporter des températures jusqu’à -12 °C dans une tourbière aménagée, à condition que le substrat reste humide. Au-dessus, une température hivernale proche de 5 à 10 °C convient. En intérieur, ne dépassez pas 15 °C en hiver pour qu’elles entrent bien en repos.

Dans un pot de moins de 100 l, il est plus prudent de placer les plantes dans une serre froide hors-gel, dans une véranda peu chauffée ou dans un local lumineux ne dépassant pas 15 °C. Cette pause hivernale est la clé de leur longévité.

4 – L’arrosage :

L’eau d’arrosage est un point crucial : utilisez une eau très pure, de l’eau de pluie ou de l’eau déminéralisée pour fer à repasser, ou encore une eau de ville filtrée au travers de cartouches échangeuses d’ions (rayon aquariophilie). Une eau trop calcaire ou chargée en minéraux brûle leurs racines.

 

Pinguicula tina
La grassette Pinguicola ‘Tina’ apprécie la mi-ombre et un substrat léger

 

  • Le plus simple consiste à placer les pots dans une soucoupe remplie d’eau ou un bassin de faible profondeur, de mai jusqu’à fin octobre, puis de maintenir le substrat juste humide le reste de l’année en arrosant par le bas. Le pot ne doit pas tremper en permanence en hiver.
  • Vaporisez uniquement les plantes épiphytes comme le Nepenthes et le Catopsis, qui apprécient une atmosphère saturée en humidité. Ne brumisez pas les espèces rustiques en plein hiver pour éviter les pourritures.

Conseil malin

Les plantes carnivores comme le Pinguicula, le Drosera ou le Nepenthes forment une excellente association avec les orchidées d’intérieur. En attirant et capturant notamment les mouches de terreau, elles limitent les larves qui s’attaquent aux racines des orchidées. Elles deviennent ainsi de véritables alliées naturelles, tout en apportant une touche spectaculaire à votre collection.

FAQ – Vos questions

Faut-il nourrir les plantes carnivores avec des insectes ?

En général, non. Si la plante est en bonne santé et installée dans un endroit lumineux, elle attrapera spontanément quelques insectes. Nourrir manuellement avec trop de proies peut au contraire fatiguer ou faire pourrir les pièges.

Peut-on mettre de l’engrais aux plantes carnivores ?

La grande majorité des plantes carnivores ne supportent pas les engrais classiques, qui brûlent leurs racines et déséquilibrent le substrat. Seul le Nepenthes peut, éventuellement, recevoir des microdoses d’engrais très dilué, et uniquement si vous maîtrisez bien sa culture.

Quelle eau utiliser pour l’arrosage ?

Utilisez uniquement de l’eau très peu minéralisée : eau de pluie, eau déminéralisée ou eau osmosée. L’eau du robinet calcaire ou trop dure finit par intoxiquer les plantes et détruire le substrat acide dont elles ont besoin.

Les plantes carnivores sont-elles rustiques au jardin ?

Certaines le sont, comme plusieurs Drosera, la dionée (Dionaea), les Sarracenia rustiques ou la grassette (Pinguicula) de l’hémisphère nord. Elles demandent alors une véritable période de froid en hiver et un substrat toujours humide, de préférence en grande potée ou en tourbière aménagée.

Où installer les plantes carnivores dans la maison ?

Placez-les dans un endroit très lumineux, près d’une fenêtre, en évitant les pièces trop chauffées l’hiver. Les Nepenthes aiment particulièrement les salles de bain lumineuses, où l’air reste naturellement humide. Les autres espèces craignent généralement l’air trop sec des intérieurs surchauffés.

Pourquoi mes plantes carnivores dépérissent-elles après l’achat ?

Le plus souvent, la cause vient d’un changement brutal de conditions (lumière, eau, température) ou de l’utilisation d’eau calcaire. Rempotez dans de la tourbe blonde pure (éventuellement avec un peu de sable), placez la plante en pleine lumière et arrosez uniquement avec de l’eau douce.


Écrit par Eva Deuffic | Eva est une passionnée de jardins et de jardinage et c'est avec sa plume qu'elle nous emporte et nous fait rêver.