Bacillus thuringiensis : traitement, action et efficacité comme insecticide

Aujourd’hui, les insecticides chimiques ne sont plus accessibles aux jardiniers amateurs. Et c’est finalement une bonne chose : cela encourage des méthodes plus respectueuses de l’environnement. Pour autant, une invasion d’insectes ravageurs peut détruire une récolte en quelques jours, au grand désespoir de celui qui a mis tout son cœur dans ses semis et plantations. Parmi les solutions utilisables en lutte biologique, le bacille de Thuringe (Bacillus thuringiensis) s’avère très efficace contre de nombreuses chenilles de lépidoptères, tout en restant sans danger pour les insectes auxiliaires lorsqu’il est bien utilisé.

Le bacille de Thuringe, c’est quoi ?

Découvrons ensemble comment fonctionne ce bio-insecticide, contre quels ravageurs l’utiliser et dans quelles conditions il est réellement efficace.

 

• Bacillus thuringiensis, plus connu sous le nom de bacille de Thuringe, est une bactérie utilisée comme insecticide biologique au potager et au jardin.
• On la désigne souvent par l’acronyme « Bt ».
• Elle a été observée pour la première fois en 1901 par un bactériologiste japonais, Shigetane Ishiwata, alors qu’il travaillait sur les vers à soie malades : cette bactérie infectait les larves, qui finissaient par mourir.

 

Une dizaine d’années plus tard, le scientifique allemand Ernst Berliner identifie formellement cette bactérie et la baptise Bacillus thuringiensis. Il faut cependant attendre les années 1940 pour qu’elle soit réellement considérée comme un insecticide biologique et commercialisée, d’abord à destination des professionnels et agriculteurs.

C’est une bactérie ubiquiste, c’est-à-dire qu’on la rencontre naturellement partout dans l’environnement : dans le sol, l’eau, l’air ou encore sur le feuillage des plantes. On dit aussi qu’elle est aérobie, ce qui signifie qu’elle se développe en présence d’oxygène. Observé au microscope, le bacille de Thuringe se présente sous la forme d’un petit bâtonnet muni de flagelles, long de quelques micromètres.

Mode d’action

• Pour simplifier, le bacille de Thuringe produit, au moment de la sporulation, des cristaux toxiques composés de plusieurs protéines. Ces protéines deviennent toxiques lorsqu’elles sont ingérées par certains insectes, principalement des lépidoptères (chenilles de papillons) et quelques coléoptères.
• Une fois avalées, ces toxines s’attaquent aux cellules de l’intestin de la larve en y provoquant des lésions. L’intestin se paralyse, la chenille cesse de se nourrir, s’affaiblit rapidement et finit par mourir en 24 à 48 heures après le traitement. Les tissus sont ensuite peu à peu consommés par la bactérie. C’est donc un produit très ciblé, qui n’agit que si la chenille ingère la toxine en mangeant le feuillage traité.

Sur quels insectes ?

Il existe plusieurs souches de Bacillus thuringiensis, chacune étant active sur un groupe d’insectes particulier. Au jardin, on l’utilise surtout pour lutter contre les chenilles de nombreux papillons, responsables de dégâts sur les légumes, les fruitiers ou les plantes d’ornement.

 

• Les tordeuses présentes sur les pois, rosiers, arbres fruitiers (notamment le pêcher).
• Les noctuelles qui s’attaquent à de nombreuses plantes potagères (carotte, chou, épinard, pomme de terre…), mais aussi à certains fruitiers comme l’abricotier ou la vigne.
• La piéride du chou, ravageur bien connu des choux et autres brassicacées.
• Le carpocapse du pommier et du poirier.
• La teigne du poireau.
• La chenille processionnaire du pin et du chêne.
• La pyrale du buis, responsable de dégâts spectaculaires sur les buis.
• La zeuzère du poirier.

Le bacille de Thuringe peut aussi être utilisé contre les doryphores, selon les souches et formulations disponibles.

Préparation

Le bacille étant un organisme vivant, il est proposé sous forme de poudre à diluer dans l’eau. Vous le trouverez en jardinerie, magasins spécialisés et sur les sites internet dédiés au jardin et aux végétaux. La poudre se conserve environ un an : il est donc important de respecter la date de péremption indiquée sur l’emballage.

 

 

Entreposez la boîte dans un endroit sec, sombre, tempéré (20 à 25 °C) et hors de portée des enfants. La chaleur excessive, l’humidité et la lumière dégradent progressivement l’activité du produit.

Le bacille de Thuringe se dilue dans de l’eau, de préférence de pluie, pour être pulvérisé sur les végétaux. Respectez scrupuleusement la dose indiquée par le fabricant : surdoser n’augmente pas l’efficacité et peut au contraire déséquilibrer l’écosystème. Il est également déconseillé de le mélanger à d’autres produits (comme la bouillie bordelaise ou le pyrèthre), car cela pourrait diminuer sa performance ou sa sélectivité.

Comme pour tout produit de traitement, mieux vaut porter gants, masque et lunettes au moment de la préparation et de la pulvérisation, même si le bacille de Thuringe est utilisable en agriculture biologique.

La pulvérisation

• Pulvérisez la solution sur l’avers et le revers des feuilles ainsi que sur les tiges infestées par les chenilles.
• Choisissez un réglage de buse très fin pour bien couvrir le feuillage sans ruissellement.
• Traitez par une journée sans vent ni pluie, de préférence en soirée, avec une température d’environ 15 °C ou plus.
• Lavez soigneusement le pulvérisateur après usage et jetez l’eau de rinçage dans une zone déjà infestée, jamais dans les égouts.
• Renouvelez la pulvérisation environ 8 à 10 jours après la première application pour toucher la nouvelle génération de larves fraîchement écloses.
• Intervenez idéalement avant la floraison pour éviter de déranger les insectes butineurs, même si le bacille n’est pas toxique pour les abeilles, les syrphes ou les coccinelles.
• Les périodes de traitement s’étalent en général de mars à octobre, selon les ravageurs ciblés et le climat de votre région.

Rappelez-vous que Bacillus thuringiensis est un produit curatif et non préventif : il est inutile de traiter des plantes qui ne présentent aucun signe de présence de chenilles. L’utilisation de pièges à phéromones permet de repérer le moment des vols et des accouplements, et donc de cibler plus précisément l’apparition des premières larves.

La toxine produite par la bactérie a une rémanence faible : les rayons ultraviolets la détruisent en quelques heures ou quelques jours. C’est à la fois un gage de sécurité pour l’environnement et la raison pour laquelle il faut parfois renouveler les traitements.

Efficacité et limites

Bien utilisé, le bacille de Thuringe est un outil précieux pour le jardinier soucieux de préserver la biodiversité :

• Action ciblée sur certaines chenilles, avec peu d’impact sur la faune utile.
• Produit homologué en agriculture biologique.
• Pas d’accumulation dans le sol ni sur les végétaux, grâce à sa faible rémanence.
• Peut s’intégrer facilement dans une stratégie de lutte intégrée avec piégeage, auxiliaires, rotations, filets…

Mais il présente aussi quelques limites à garder en tête :

• Ne fonctionne que si les chenilles mangent le feuillage traité.
• Moins efficace sur les ravageurs déjà bien développés ou cachés à l’intérieur des fruits.
• Sensible aux UV et aux conditions météo, ce qui peut imposer plusieurs applications.
• Nécessite d’identifier correctement le ravageur et de choisir la bonne souche de Bt.

FAQ – Vos questions

Le bacille de Thuringe est-il dangereux pour l’humain et les animaux ?

Aux doses et usages recommandés au jardin, le Bt est considéré comme peu risqué pour l’humain et les animaux domestiques. Il convient néanmoins de respecter les précautions d’emploi : port de gants, de lunettes, ne pas inhaler la poudre, ne pas laisser le produit à la portée des enfants.

Le bacille de Thuringe tue-t-il les abeilles et les auxiliaires ?

Non, il est sélectif et ciblé sur certaines chenilles de lépidoptères. Utilisé correctement (hors floraison, en soirée, sans excès), il ne nuit pas aux abeilles, aux syrphes, aux coccinelles et à la grande majorité des auxiliaires.

Peut-on l’utiliser en prévention ?

Ce n’est pas recommandé. Le bacille de Thuringe est un curatif : il agit lorsque les chenilles commencent à se nourrir. En prévention généralisée, il serait inutile et pourrait déséquilibrer certains écosystèmes locaux.

Quelle est la différence entre les différentes souches de Bt ?

Chaque souche (par exemple Bt kurstaki, Bt aizawai, etc.) cible un groupe d’insectes précis. Il est donc important de vérifier sur l’emballage quels ravageurs sont visés et de choisir le produit adapté au problème rencontré.

Peut-on associer bacille de Thuringe et autres méthodes de lutte biologique ?

Oui, au contraire : le Bt s’intègre très bien dans une approche globale incluant piégeage à phéromones, maintien des auxiliaires, filets anti-insectes, rotation des cultures et choix de variétés moins sensibles.

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